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Black Book Éditions, le site de référence des jeux de rôle

Question enthéogénique 19

Forums > Jeux de rôle > JdR Black Book > Würm

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Bonjour à tous•tes,

J'ai fais l'acquisition de Würm2 et des Terres Ancestrales il y a quelques semaines, et le moins que je puisse dire c'est que je ne suis pas déçu ! Les livres sont magnifiquement illustrés, l'écriture est fluide et agréable à lire, le jeu semble à la fois simple et profond.

J'ai commencé à écrire un court scénario pour faire découvrir cet univers à mes joueurs•euses préférés•ées. Or, cela soulève une question stupéfiante : avec quoi les humains se shootaient à cet époque ? Bien sûr, je sais bien qu'il n'y a aucun moyen de le savoir réellement. Mais je me demandais si vous auriez des exemples de plantes utilisées pour leurs vertus hallucinogènes et présentes en Europe pendant la dernière glaciation. Wikipedia me présente surtout des plantes américaines, méditerranéennes ou sub sahariennes (un véritable scandale, considérant l'universalité et l'importance de cette question).

Merci pour vos futures réponses, et merci de m'avoir lu jusqu'au bout.

Peace !

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Plutôt qu'une plante, je miserai sur l'amanite tue-mouche. Elle supporte les climats "frais", notamment si l'on trouve des bouleaux. C'est un hallucinogène qui était utilisé par les chamanes en Hongrie (bien plus tardivement que Würm bien sûr).

Attention à ne pas tester: la pratique n'est pas sans risque.

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Loin de moi l'idée de m'essayer à ce genre de pratique.

J'ai bien pensé aux champignons, aux crapauds aussi (ils sécrètent de la bufoténine via leurs glandes parotoïdes, substance proche de la psilocine). Je me demandais si on retrouvait ce type de substances chez certaines plantes des Terres Ancestrales (j'ai d'abord pensé à la belladonne ou à la mandragore mais je doute qu'elles poussent sous nos latitudes à cette époque).

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  • Thegrom
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Poboasne

Une piste possible :

" Le chanvre est une des premières plantes domestiquées par l'homme, au néolithique, probablement en Asie. Il a ensuite accompagné migrations et conquêtes pour se répandre sur tous les continents. [...] Le chanvre était également considéré comme une plante magique dite hypocrite ; il était utilisé dans les rituels funéraires : la fumée de l'herbe séchée et brûlée sur des pierres ardentes en présence du défunt était censée déconnecter du réel et permettre de parler aux esprits."

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A ce propos, j'ai lu récemment un article concernant les peintures rupestres situées au fond de long boyaux mal ventilés: elles ont vraisemblablement été réalisées dans un état second / cotonneux. En effet, l'air devait être vicié par les fumées des lampes ou torches et manquer d'oxygène: de quoi mettre l'artiste et ses assistants un peu à côté de ses pompes.

Est-ce une conséquence facheuse du lieu choisi ? Ou le lieu a justement été choisi pour atteindre cet état ?

L'oeuf ou la poule en quelque sorte.

Pour le coup, nous n'aurons jamais la réponse définitive.

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@Thegrom : une bonne piste, mais le chanvre a été domestiqué loin des Terres Ancestrales, des milliers d'années plus tard, et je doute qu'il puisse pousser correctement sous un climat glaciaire (le chanvre récréatif est une plante tropicale).

@Sammy : j'ai lu exactement le même article hier soir, cette hypothèse est intéressante, je vais l'utiliser au cours de mes parties.

Je crois que je vais m'en tenir aux champignons et aux crapauds, ainsi qu'à l'hypoxie au fond des cavernes.

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  • Yoga
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La sauge à aussi une réputation hallucinogène, et elle résiste assez bien au froid.

On peut imaginer ka trouver dans des zones humides et protégées du vent.

EDIT : Si vous avez le jdr Te Deum pour un massacre il y a un petit chapitre sur les poisons dont la plus part des petites plantes.

Ça peut nourrir l'imagination et servir de base pour un herboriste...

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Le genre Salvia comprend des sauges assez différentes.

La sauge officinale et la sauge des prés sont robustes, mais, à part peut-être via leur faible toxicité neuro liée à la thuyone, ne seront pas hallucinogènes. Ce sont celles qu'on cuisine en Europe.

En revanche la salvia divinorum est effectivement hallucinogène, mais elle craint le gel.

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Bonjour tout le monde et bonne année à toutes et tous, il est encore temps de se la souhaiter !

Un modèle d’altération de la conscience a été envisagé par certains auteurs pour nos préhistoriques, les tenants du chamanisme préhistorique. Il s’agit du modèle TST, des Trois Stades de la Trance, extrapolé d’après des données ethnographiques des populations khoekhoe d’Afrique australe et shoshone coso du grand bassin de Californie. Je ne vais pas parler du chamanisme préhistorique car cela demanderait bien trop de temps tant il y a à dire, du moins pas ce soir… mais des interrogations liées à cette volonté humaine de se « shooter ».

Que dit la science préhistorique ? Ces états altérés de la conscience, dans leur majorité, peuvent être atteints par des « transes » produites soit par des drogues soit provoquées naturellement. Je vais évoquer les cas de transes naturelles rapidement, elles sont éventuellement à ne pas négliger selon le contexte du scénario envisagé. Arnold Ludwig en répertorie plus de 70 dans son article « Altered States of Consciousness » publié en 1968 dans l’ouvrage Trance and Possession States. Quelque exemples : hétéro-hypnose ou auto-hypnose, extrême fatigue, prière fervente, relaxation profonde, privation sensorielle, migraine, épilepsie, expérience esthétique profonde, danse rituelle, etc… Tous ces états provoquent donc des altérations de conscience qui se traduisent par une variété très importante d’effets donc aucune ne correspond au fameux modèle TST.

Les drogues artificielles peuvent aussi provoquer des états de conscience modifiés/altérés néanmoins on peut raisonnablement les retirer à nos préhistoriques. Il nous reste donc les substances naturelles. Le choix est cependant très limité, il y a trois types de plantes qui ont pu être présents en Europe : l’amanite muscarine (Amanita muscaria), un champignon donc, et deux plantes, la jusquiame (Hyoscyamus niger) et le datura (Datura metel) et capables d’altérer les esprits. L’amanite ne semble pas avoir colonisé l’Europe avant le début du Moyen Âge ou la toute fin de l’Antiquité donc chez nous entre les 4e et 6e siècles de notre ère. Son arrivée est peut-être à relier à une certaine péjoration climatique qu’ont connu les populations tardo-antiques, on est bien loin de nos groupes du Würm. Les deux autres plantes sont très dangereuses et considérées comme poison mortel. Le datura contient un alcaloïde, la scopolamine, qui provoque une intoxication s’accompagnant de narcose alternant des hallucinations entre les phases de conscience et de sommeil. Au final, le consommateur ne se souvient pas de ce qu’il a vécu, perd tout sens de la réalité, délire profondément (état rapproché du delirium alcoolique) pouvant conduire jusqu’à la mort. La jusquiame est connue anciennement, au moins depuis l’Antiquité. Elle provoque quant à elle un état d’intoxication, pression sur la tête, obligation de fermer les paupières, vision floue, perceptions déformées, hallucinations visuelles inhabituelles, soit là aussi des symptômes assez éloignés de ceux du modèle TST.

Un site en Écosse a peut-être livré des traces d’utilisation de la jusquiame (Balfrag) pour une occupation datée du Néolithique (soit quelques nombreux millénaires après Würm), cependant ces « preuves » sont loin d’être fiables. La conclusion d’un article de Long (auteur principal) à ce sujet est que « l’emploi de drogues hallucinogènes pendant la Préhistoire ne peut encore être démontré de manière convaincante en utilisant des données botaniques, le débat doit se poursuivre, mais pas avec l’impression que les preuves scientifiques sont déjà là ». Les auteurs résument parfaitement la problématique (et qui pourrait être étendue à de nombreux autres sujets préhistoriques).

En fait, les états de conscience correspondant au modèle TST ne peuvent être induits que par l’absorption de mescaline, de LSD ou de psilocybine. Bon, la mescaline est mexicaine d’origine, donc trop lointaine pour nos préhistoriques. Qu’en est-il des deux autres ? Si le LSD peut être fabriqué, il existe aussi à l’état naturel et vous le connaissez surement sous cette forme. Il s’agit de l’ergot de seigle ayant provoqué de nombreux décès durant le Moyen Âge européen, une forme de moisissure (un champignon) (Claviceps sp.) qui se développe sur certaines plantes dont le seigle. Il y a deux réactions documentées pour l’ergotisme : une première impliquant des délires, hallucinations visuelles bizarres, gangrènes et avortements spontanés, une seconde causant des convulsions et des épilepsies. On sait par ailleurs par l’ethnographie qu’aucun groupe humain n’a consommé volontairement ce parasite du seigle comme hallucinogène. Puisque ces comparaisons ethnos sont très souvent mobilisées pour « prouver » tel ou tel état de fait pour nos préhistoriques, acceptons ce qu’elle peut dire ici. Ce parasite peut aussi se développer sur des plantes sauvages, mais ne développe pas les alcaloïdes nécessaires pour intoxiquer un humain. Il n’y a donc presque aucune chance que nos paléolithiques qui ne maitrisaient pas la domestication des plantes aient pu en consommer, sans même parler d’adéquation climatique avec le milieu würmien.

Quant à la psilocybine ? Un seul champignon en Europe en contient assez pour impacter un humain, le psilocybe (Psilocybe semilanceata) cependant nous n’avons pas de chance, il n’existe aucune preuve certaine de la présence de ce champignon en Europe avant la toute fin du 18e siècle de notre ère. Au mieux certains cas d’empoisonnement avec des champignons qui peuvent être rapprochés du psilocybe, mais rien avant la toute fin du 15e siècle de notre ère, ce champignon étant probablement d’origine américaine.

Existe-t-il d’autres moyens de s’intoxiquer en provoquant des états altérés de consciences ? L’alcool n’est pas à négliger, mais est-ce que nos sociétés paléolithiques en produisaient, c’est assez peu probable. Le préhistorien Michel Lorblanchet, spécialiste de l’art paléolithique a évoqué avec beaucoup de précautions des empoisonnements au manganèse qui pourraient provoquer des changements neuropathologiques proches du syndrome parkinsonien et pouvant aboutir à des hallucinations visuelles, des délires, mais seulement après plus de six mois d’exposition par inhalation et ingestion. Cependant, les premiers symptômes sont l’asthénie, la rigidité, des frissons forts, l’hypokinésie et la dystonie rendant la pratique du dessin impossible. Je ne reviens pas sur la sauge/laurier/chanvre (certaines utilisées par les pythies oracles grecques), leurs limites ont été évoquées au-dessus. Il resterait la consommation de bufotoxyne éventuellement, mais les crapauds (Bufo sp) capables d’en produire assez (en quantité et en posologie) ne vivent pas tellement sous nos tropiques et encore moins en contexte climatique würmien.

À ce jour, aucune analyse paléobotanique n’a apporté la moindre preuve de l’existence de substances hallucinogènes au Paléolithique. Ce qui n’exclut pas d’envisager cette possibilité tout en gardant en tête qu’elle n’a, pour le moment, aucun fondement scientifique, aucun.

Mais qu’en dit la rule of cool ? Faîtes bien ce que vous en voulez, personne n’ira vous pondre le speech que je viens de vous faire à votre table, donc allez-y, mettez les potards à 11 et faites du datura ou de la jusquiame ou d’autres champignons des trucs capables de provoquer des hallucinations et des états d’altérations non mortels pour le bien de votre scénario !

Pour finir, je ne développe pas ici les questions au sujet des cas d’hypoxie/hypercapnie prétendument provoquant des hallucinations dans des cavités à l’oxygène trop rare et au dioxygène trop riche, mais éventuellement plus loin, si je trouve le temps.

Ce message a reçu 2 réponses de
  • Sammy
  • et
  • Poboasne
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Lotin

Ah ah merci Lotin! Nous n'étions pas si loin... si tu as le temps de dvper sur l'hypoxie je suis preneur. mort de rire

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Lotin

Merci Lotin pour cette passionnante réponse. Tu me permets d'y voir plus clair.

Deux dernières questions persistent cependant dans ma petite tête :

  • d'après toi les crapauds vivants sous nos latitudes ne sécrètent pas assez de bufoténine ou de bufotoxine pour déclencher des hallucinations, pourtant il me semble que le crapaud commun (bufo bufo) est responsable de nombreuses intoxications documentées (pas glop, mais intéressant). L'aire de répartition de ces crapauds englobe l'Europe du Nord dont le climat est assez proche de l'idée que je me fais du climat würmien. Qu'en penses-tu ?
  • le psilocybe semilanceata n'est pas le seul champignon de la famille des psilocybe à pousser en Europe. On y trouve également le psilocybe cyanescens qui affectionne le bois mort. Je ne parviens pas à trouver l'historique de cette espèce, sais-tu si, comme le psilocybe semilanceata, elle est arrivée récemment sur le continent européen ?

A propos de la rule of cool : en tant que MJ, si je suis tout à fait d'accord avec ce paradigme, j'accorde également une grande importance à la plausibilité des faits et des détails. Même si je sais que mes joueurs n'y prêteront probablement pas beaucoup d'attention (cette bande d'ingrats !), c'est plus une question de satisfaction personnelle et de curiosité intellectuelle.

Voilà, promis, après j'arrête de poser des questions (ou pas !).

PS : j'attends ton développement sur l'hypoxie et l'hypercapnie avec impatience mort de rire

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Au sujet du crapaud commun, Bufo bufo, de ce que j'en sais par la littérature accessible, il n'y a que très peu de cas d'intoxication chez l'homme et aucune ne s'est accompagnée d'hallucination. Il y a des cas célèbres aux US avec un groupe intoxiqué dont je crois me souvenir que la grande majorité en est décédée car il y a beaucoup de choses toxiques dans ce que produit le crapaud sur sa peau dont des stéroïdes cardiotoniques pouvant amener des fibrilations ventriculaires et des arrêts cardiaques (pas de quoi laisser quelqu'un apte à dessiner au fond d'une grotte plaisantin ). Ces empoisonnements concernent une ingestion de préparation à base de peau de crapaud (selon la médecine traditionnelle chinoise*) et vendue comme aphrodisiaque (il me semble). A ce propos, on parle de venin de crapaud même si cette appellation est incorrecte car un venin est injecté par définition mais l'usage faisant loi. D'autres cas sont recensés mais il s'agit souvent de préparations avec association de "venin" de crapaud à d'autres produits comme le rapporte cette publication de 1993 : "Misuse and legend in the "toad licking" phenomenon" de Thomas Lyttle et dont le titre à lui seul résume un peu les légendes urbaines associées au léchage de crapauds communs. Pour finir il existe des cas repétoriés d'envenimement aux bufotines attribués par erreur à Bufo bufo et probablement dus à d'autres espèces de crapauds plus toxiques. En revanche, leur toxicité est très dangereuse pour nos animaux domestiques (chats et chiens, mais aussi tout ce qui est capable d'attraper un crapaud dans la gueule et d'absorber des toxines) et il n'est pas rare qu'ils en décèdent malheureusement.

Concernant le Psylocybe cyanescens qui n'a été déterminé que récemment, au milieu du 20e siècle, pour ce que j'en sais sa zone d'origine est l'amérique du nord aussi, donc à priori, pas de lui chez nous avant la toute fin du 15e, à minima.

* Il faudrait peut-être investiguer de ce côté pour trouver des trucs marrants... à noter que dans la pharmacopée vernaculaire de la fin du Moyen Âge et après, il est noté beaucoup d'usages du crapaud dont un certain nombre requérant une ingestion par l'anus. Cet animal, de par son rapport avec les sorcières et le diable fait partie des animaux jugés en procès (et souvent exécutés).

ps : n'attendez pas avec d'impatience un dvpmt sur l'hypoxie/hypercapnie, le temps de retrouver mes références biblios, de sourcer, d'écrire ça...

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Par avance, désolé pour le petit pavé à suivre.

L’année 2021 a vu ressortir sur beaucoup de sites de news cette hypothèse de grottes peu oxygénées (naturellement ou pas) qui relayaient un article publié la même année dans la revue Time and Mind (journal académique avec examen par les pairs qui croise plusieurs disciplines et très orienté folklore, rituel, symbolisme, religion pour tenter d’apporter de nouvelles pistes en archéo et anthropo (entre autres). Les auteurs sont trois chercheurs israéliens (Yafit Kedar, Gil Kedar et Ran Barkai) dont deux de l’Université de Tel-Aviv. Le troisième étant un « chercheur indépendant », ce qui n’est pas souvent bon signe, malheureusement. Cet article fait suite à plusieurs publications de l’auteure première qui semblaient bien tracer la voie de cette hypothèse et suggère que l’utilisation de lumières artificielles (torches ou lampes à graisse/huile) provoquerait une chute mesurable du taux d’oxygène dans les parties de grottes étroites et de petits volumes entrainant des hypoxies chez nos préhistoriques et favorisant une altération de la conscience (ce qui introduit un énorme biais car excluant d’office les grandes salles de nos grottes, et il y en a beaucoup, l’art rupestre extérieur, l’art mobilier, toutes les représentations en hauteur, etc.). C’est une hypothèse de travail que les auteurs se proposent d’investiguer plus avant dans de futures recherches. Je passe très vite sur la couverture médiatique biaisée de la part de médias généralistes (où l’on ne lit pas tout l’article et on ne fait ressortir que le(s) point(s) le(s) plus bling-bling). L’article présente quelques biais et raccourcis fâcheux notamment avec le syllogisme du chamanisme qui tombe du ciel dans le déroulé de la démonstration (mais qui n’est pas une surprise vu les références bibliographiques mobilisées jusque-là et qui va clairement devenir le sujet principal de l’article) : plusieurs groupes ethniques indigènes utilisent les altérations de la conscience (ASC) dans leur système de croyance -> le chamanisme est un phénomène multiculturel pour beaucoup de groupes indigènes (ce qui se discute fortement déjà) -> donc ASC = chamanisme. Certaines comparaisons qui servent de démonstration sont un peu étranges, a minima, comme avec les pratiques prophétiques de la Grèce ancienne qui mobilisent privation sensorielle et présence d’un gaz narcotique comme l’éthylène (et non pas le manque d’oxygène). Ce qui est intéressant c’est que les auteurs ne mentionnent jamais le taux de CO2, qui fonctionne avec le taux d’oxygène, pour une raison que j’ignore et/ou que je ne perçois pas. C’est dommage car quand le taux d’oxygène baisse dans ces milieux, celui du CO2 augmente et s’accompagne de certains phénomènes compensatoires comme une hyperventilation pulmonaire, l’hypercapnie (une hyperventilation qui peut être provoquée par quelqu’un essayant de retrouver son souffle, et ses effets sont très bien documentés : points lumineux dans le champ de vision, lumières, transpiration intense, tremblement des mains, hypertension, confusion et désorientation mais aucune hallucination, ni de près ni de loin) et augmentation du rythme cardiaque. Il n’est jamais fait mention non plus que les taux des différents gaz présents dans une grotte varient d’un jour à l’autre, d’une saison à l’autre selon les conditions climatiques et d’autres. D’ailleurs très peu de cavités renferment assez de CO2 pour être dangereuses. Soulignons aussi par ailleurs, que de nombreuses sociétés pratiquant les altérations de conscience montrent que la personne vivant des hallucinations est incapable de dessiner et qu’elle est aidée en cela par des assistants qui retranscrivent les visions de l’officiant (mais si la paroi dessinée est dans une zone à faible oxygène pourquoi les assistants ne seraient pas affectés ?).

Quels sont les effets de cette baisse d’oxygène et augmentation de CO2 sur le corps humain. S’agit-il d’un gaz hallucinogène ? Plusieurs spéléologues ont pu expérimenter de tels états, ils sont assez bien documentés, voir la liste établie par James et Dyson dans une publication de 1981 (CO2 in caves) : dyspnée (sensation de respiration gênante et désagréable), céphalée, tachycardie, hypotension, sueurs froides, asthénie physique (fatigue), lenteur d’idéation (la formation et l’enchaînement des idées), troubles de la mémoire, nausée, vomissement, goût métallique dans la bouche, somnolence, agitation, angoisse, euphorie et dans les phases les plus graves : torpeur, confusion mentale sévère, collapsus et coma. Les études montrent par ailleurs que la symptomatologie varie d’un individu à l’autre en fonction de très nombreux critères. En revanche il suffit de quelques minutes d’exposition à un tel milieu pour subir les effets de l’hypercapnie. Les études montrent aussi qu’une exposition fréquente engendrera de multiples troubles chroniques graves*. Il existe des dizaines d’études récentes au sujet de ces symptômes et de ces effets mais les études sur le chamanisme (par exemple Jean Clottes en 2001) ne citent que deux ouvrages anciens au sujet du risque de la présence de CO2 en grotte, deux thèses dont l’une consacre seulement 10 pages au sujet et l’autre à peine quatre pages et il ne parle pas d’hallucination mais d’hallucinose (l’observateur arrive à distinguer la réalité). De nombreux témoignages de spéléologues existent et aucun ne fait mention d’hallucination, tout au plus des points lumineux, des vaguelettes, rien qui n’entame l’appréciation de la réalité environnante de l’observateur. Les seuls très rares cas avérés d’hallucinations complexes ont eu lieu lors de l’étape immédiatement avant la mort du sujet. Moi-même en fouille dans plusieurs contextes j’ai pu être exposé à de telles conditions (notamment sondages dans des réseaux karstiques occupés par des préhistoriques dans le Lot, fouille de puits profonds), heureusement dans le cadre professionnel, une plateforme d’assistance est installée au-dessus du puits fouillé pour permettre l’acte de fouille en toute sécurité avec surtout pompe à CO2 et apport en oxygène.

La théorie des visions hallucinées provoquées par des états d’hypoxie au fond des grottes (peu importe leur finalité) n’est pas nouvelle. En effet, Jean Clottes, grand préhistorien français et spécialiste de l’art pariétal se faisait déjà l’écho d’une telle hypothèse au début des années 2000 dans sa préface d’un article de Max Sarradet au sujet de la grotte de Lascaux. Ce dernier, détaille, pour la première fois, une expérience vécue en 1961 dans la grotte alors qu’il en est le Conservateur. Il raconte qu’en faisant chemin dans la grotte pour en sortir après minuit il a vu dans le rayon lumineux de sa lampe une ombre massive de silhouette humaine, un fantôme comme il l’a appelé et avec qui il va parler, lui seul (M. Sarradet) a « gesticulé ». Un hydrogéologue à qui il en a parlé lui suggéra qu’il avait peut-être été victime de bouffées de gaz carbonique, ce à quoi il ne croit pas sans arriver toutefois à émettre une hypothèse lui-même. Dans un article touffu et très sourcé de 2006, le Dr. Gilles Delluc aussi préhistorien célèbre et spécialiste de Lascaux, entre autres, étudie ce témoignage pour tenter de le comprendre. Tout d’abord, le lieu même où cela s’est déroulé est très propice à la projection d’ombres via lampe torche. M. Sarradet, a déjà décrit succinctement cette expérience de nombreuses années auparavant et rien ne concorde, ce n’est plus le même lieu dans la grotte, plus tout à faire la même « vision », beaucoup moins chargé émotionnellement, pas de monologue à l’attention de l’esprit observé. L’analyse du récit de 2003 montre qu’il ne s’agit non pas d’une hallucination (qui sont des perceptions réelles pour l’observateur) mais d’une illusion (erreur sensorielle causée par un élément extérieur). Ce phénomène d’illusions dus à des ombres projetées est déjà mentionné en 1943 par un autre préhistorien, le comte Henri Begouën, toulousain, qui y évoque là la possibilité de l’origine des représentations rupestres animales. À ce titre, la grotte de Lascaux (la vraie avant la réalisation des copies ayant permis de limiter la casse) était visitée par plus d’un million de visiteurs entre 1940 et 1963 pour un tour d’une heure environ, aucun témoignage d’hallucinations (jusqu’à 2000 personnes par jour, trois groupes de 20 au moins en même temps). Beaucoup de chercheurs y ont passé des nuits entières et de manière répétée sans connaître pire qu’une céphalée (et rarement).

Cette hypothèse demanderait donc à être consolidée/vérifiée fortement (il s’agit après tout d’une modélisation informatique oubliant de prendre en compte certains points comme la très forte variabilité du niveau de sol de l’entrée d’une grotte au cours de son histoire), quant au modèle théorique qu’elle sous-entend (et qui est le véritable objectif de l’article qui met clairement la charrue avant les bœufs) rien pour le moment ne l’étaye et je m’en vais travestir une citation d’un de mes précédents posts qui colle parfaitement : « l’emploi volontaire de situations d’hypoxie/hypercapnie pendant la Préhistoire ne peut encore être démontré de manière convaincante en utilisant l’intégralité des données archéologiques, le débat doit se poursuivre, mais pas avec l’impression que les preuves scientifiques sont déjà là ». Il est, en l’état de la recherche, un peu vain à mon avis de rechercher une origine unique et applicable à tous les contextes (culturels, géographiques, chronologiques, etc) à cet art préhistorique. Donc pour le moment, c’est très capillotractée comme hypothèse (et malheureusement très difficile à démontrer en plus, dommage l’image est plaisante) et rien ne va en ce sens pour le moment, donc niveau plausibilité très faible (à voir selon votre niveau d’acceptation de WTF personnel dans vos parties). Encore une fois, faites-en bien ce que vous voulez.

Clottes 2003, préface de l’article de M. Sarradet intitulé Lascaux la mystérieuse dans la revue Documents d’archéologie et d’histoire périgourdine, n° 18.

Delluc 2006, Une vision « chamanique » à Lascaux ?

* Ce qui me fait penser qu’avec un bon paléopathologiste et un squelette en parfaite conservation, certaines de ces atteintes seraient observables et pourraient apporter un début de preuve palpable.

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  • Poboasne
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Lotin

Merci Lotin pour cette belle réponse argumentée !

Je crois que je n'ai plus de questions à ce sujet. En ce qui me concerne, tous les angles ont été couverts. Si j'ai besoin d'altérer la conscience de mes PJ j'inventerai une quelconque herbe des esprits content

Ce message a reçu 1 réponse de
  • Lotin
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Poboasne

A ne surtout pas négliger je pense, les altérations de conscience dîtes naturelles que j'évoque très rapidement dans ma première réponse qui pourraient permettre d'élargir le choix encore. J'ai un scénario maison qui utilise le syndrôme de Stendhal, le mythe de Pygmalion et un artiste du Paléo et sa création, une vénus.

______

@Poboasne et aux autres ayant posé des questions : me permettez-vous de retranscrire nos échanges sur le forum Casus, dans la partie Inspiration pour en faire part à d'autres qui ne fréquentent pas les lieux et qui pourraient trouver la question et ses développements intéressants ?

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@Lotin : je suis d'accord pour partager ces échanges.

Je commence à me faire une petite idée de la gestion des altérations de conscience dans mes parties. Je récapitule ça ici si ça intéresse quelqu'un :

  • Le chamane préhistorique lambda accède de façon "naturelle" aux EMC en concentrant toute son attention sur un stimuli particulier (tambour, danses, chants, peintures, respiration...). Je trouve que ça correspond bien à la transe des chamanes décrite dans le livre de base (à mon humble avis).
  • Quelques rares clans connaissent une substance (végétale ou animale) qui, correctement préparée, permet d'accéder rapidement à un EMC (cette connaissance est gérée sous forme de savoir secret). Leur utilisation, bien que plus rapide, n'est pas dénuée de risques. Les mauvais esprits prennent plus facilement les utilisateurs de ces produits pour cible (risque d'empoisonnement et de folie...). Les avantages : la transe marche à tous les coups et le chamane peut "emmener" d'autres personnes avec lui (à leurs risques et périls).

Voilà, je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.

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Poboasne

Pas sûr au sujet du chanvre : Cannabis ruderalis semble être né il y a des milliers d'années dans des régions d'Asie, d'Europe Centrale et de l'Est et en particulier en Russie, où l'espèce pousse toujours de nos jours comme une « herbe sauvage ». Car leur patrimoine génétique les rendent très résistantes au froid ; et ont une maturation rapide ne dépendant pas de la période solaire. D'autre part, le nom cannebière vient du cannabis, même si ça n'a aucun rapport XD

Enfin personnellement je ne trouverais pas impensable qu'on trouve quelques-unes de ses ancêtres dans Würm.

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Sauf que la variété ruderalis ne contient presque aucune substance psychotrope (moins de 0.5% de THC) mort de rire

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  • Yoga
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Poboasne

Salutations Poboasne

D'accord, mais même dans ce cas là, rien n'empêcherait que le THC fut concentré par une cuisson avec de la matière grasse (de n'importe quoi). Ce qui lui donnerait l'apparence d'une pâte grasse noire, à fumer enduite sur des herbes pour un effet plus rapide (bien que plus nocif pour la santé que mangée) qu'on pourait transporter dans un petit récipient en pierre avec un couvercle scellé avec de la résine pour l'étanchéité par exemple. Mais je m'égarre un peu...

Sinon tout MJ pourrait aussi décider que la variété de sa campagne serait une ancêtre plus puissante de notre actuelle cannabis ruderalis... Pourquoi pas ?