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Interview de Estelle Valls de Gomis 17/11/2010

Riche en références, Les Gentlemen de l'étrange est un recueil de nouvelles se passant à Londres au XIXe siècle. Estelle Valls de Gomis répond dans l'interview qui suit aux questions de notre excellente responsable roman. Entretient.

Interview Estelle Valls de Gomis

"J’ai toujours été obsédée par le thème du double"

BBE : Quelles sont les nouveautés par rapport à la précédente édition ? Qu’as-tu réécrit ? Qu’as-tu cherché à faire dans le nouveau chapitre inédit ?
 
Estelle Valls de Gomis : En fait ce sont surtout des modifications de style et de tournure, mais - et tu m’as bien aidée en me le suggérant ^^ - j’ai aussi essayé de faire ressortir discrètement un fil conducteur entre tous les chapitres, qui, quoique discret puisqu’on n’apprend son utilité que dans le fameux dernier chapitre inédit, donne plus de cohérence à l’ensemble.
Et donc pour en revenir à ce nouveau chapitre inédit, j’ai tenu à y développer davantage la relation entre Wolfgang et Wilhelmine : comme on l’a remarqué, Wolfgang a toujours été obnubilé par Manfred, au mépris de Wilhelmine qui est pourtant amoureuse de lui - cette amitié ambigüe entre deux hommes est un peu « un classique » de la littérature victorienne d’ailleurs - et il réalise au fil des aléas de la vie, qu’elle peut peut-être lui apporter la paix intérieure et l’harmonie qu’il ne trouve pas chez son « compagnon de débauche ». C’est un peu curieux, on peut penser qu’au départ Wilhelmine était un double féminin de Manfred et qu’à présent elle reprend son visage propre au fil des découvertes de Wolfgang.
 

BBE :  Pourquoi le thème du double, est-il aussi présent ? Est-ce une référence aux classiques du XIXe siècle, (je pense notamment au Horla de Maupassant), ou pas du tout ?
 
Estelle Valls de Gomis : Ca vient certainement beaucoup de cette littérature qui comme tu le sais m’influence énormément, il y a d’ailleurs pas mal de nouvelles que j’ai écrites par ailleurs qui reprennent ce thème.
Mais c’est aussi une « marotte ». J’ai toujours été assez obsédée par le thème du double, ayant d’ailleurs moi-même du mal à jongler entre les différents aspects de ma propre personnalité et étant pourtant enfant unique.
Une chose qui m’influence aussi pas mal en rapport avec cette dualité, c’est la dualité masculin/féminin qui existe en chacun de nous, que certains assument et que d’autres rejettent totalement - je ne parle pas nécessairement au niveau des préférences sexuelles, mais dans notre personnalité basique : dans nos goûts littéraires, vestimentaires, ce genre de choses.
Puis la gémellité et ce qu’elle sous-entend : en fait si chacun de nous avait son propre jumeau ou sa propre jumelle, pas dans le sens génétique mais dans le sens « cosmique » - là je rentre un peu dans l’ésotérisme pour le coup - nous reviendrions un peu au concept initial d’un être unique composé de deux moitiés fusionnées puis séparées lors de l’arrivée sur terre... ou les jumeaux mythologiques comme Castor et Pollux ou les Ashvins... je suis assez séduite par cette idée de personnages doubles, ou même multiples, qui finissent par fusionner pour devenir un unique être « parfait ». C’est un peu ce que j’ai voulu visiter dans le chapitre inédit d’ailleurs ^^.

BBE :  Tu as souvent dit que les personnages principaux des Gentlemen de l’étrange, Manfred et Wolfgang, étaient directement inspirés de personnes réelles. Comment concilier inspirations quotidiennes, réalistes, et influences fictionnelles comme Alan Moore ? Comment se mélange le tout ? Comment structures-tu les autres personnages, quelles différences fais-tu entre ces deux typologies de protagonistes ?
 
Estelle Valls de Gomis : C’est vrai, à la base Manfred a été créé à partir de mon compagnon, et Wolfgang est mon propre double masculin (tu vois, le thème du double encore ^^). Pour Wilhelmine c’était plus compliqué, je l’ai un peu créée comme le Dr Frankenstein, en prenant des morceaux de réalité et de fiction par-ci, par-là (la Mina de Dracula), des souvenirs - pour finalement me rendre compte qu’elle existe bel et bien... Ernest et Dita, eux aussi sont inspirés de la réalité.
En fait le mélange entre l’inspiration réelle et les influences littéraires, l’imagination, se fait tout naturellement : quand on invente des histoires, on ne vit pas tout le temps dans la réalité - ou disons plutôt qu’il y a des moments dans le quotidien où on décroche : notre esprit s’évade et baguenaude en compagnie de créatures imaginaires dans des décors imaginaires et on ramène des sortes d’instantanés de ces mondes parallèles, qu’ensuite on s’attache à décrire sur le papier.
Disons que le fait que Manfred et Wolfgang soient à la base « des vrais gens » m’aide à voir comment fonctionne leur esprit, comment évoluent leurs personnalités et leurs besoins, de manière plus humaine que s’ils étaient pure invention, et quand il leur arrive de petites aventures cocasses au quotidien, c’est amusant pour moi de les transposer dans le roman (je n’aurais pas forcément l’idée de faire trébucher un personnage sérieux si je n’avais pas vu trébucher son modèle dans la vie réelle par exemple). Comme tu as dû le remarquer, j’aime bien faire, aussi, de petites références à des personnages existant ou ayant existé (Bram Stoker, James Douglas Morrison, etc.).
Pour ce qui est de mêler persos réels et persos fictifs, ça ne pose pas tellement de problème... mais je ne saurais pas te dire pourquoi, ça doit être un ‘truc d’écrivain’ ^^.

BBE :  Il se murmure qu’une suite est en cours d’écriture. Comptes-tu apporter des réponses franches et claires à certains mystères, ou au contraire vas-tu laisser planer le doute et le flou, pour coller au fantastique dans le sens todorovien du terme ?
 
Estelle Valls de Gomis : J’aime bien laisser planer le doute (par exemple sur l’étendue des pouvoirs de Wolfgang et sa nature réelle), je pense que c’est aussi parce que moi-même je ne connais pas totalement les personnages : ils sont un peu comme nous, ils évoluent ou changent au fil des épreuves ou des cadeaux que leur fait la vie, il y a une personnalité bien définie pour chacun, mais elle se modèle selon les choses auxquelles ils font face. Dans la suite, on aura certaines révélations, mais je pense qu’on ne saura pas tout non plus.

BBE :  Les gentlemen parcourent Londres, Venise, l’Amérique du Nord, lieux toujours habilement décrits. Es-tu déjà allée là-bas et puises-tu l’inspiration dans tes souvenirs ou au contraire dans les fantasmes que tu nourris autour de ces endroits chargés d’images, de rêves, de symboles ?
 
Estelle Valls de Gomis : Je suis très casanière et pour ce qui est des voyages à l’étranger je n’ai jamais été plus loin que Barcelone, donc à moins que j’aie visité tous ces endroits dans une autre vie, je ne les connais pas *rires*.
En fait je me suis inspirée de ce qu’avait fait Stoker pour décrire la Roumanie où il n’était jamais allé : je me suis nourrie de guides de voyages, de livres, de romans, de films, de documentaires - en cela les recherches que j’avais effectuées pour ma thèse sur les vampires m’ont bien aidée - et j’ai brodé là-dessus pour tenter de rendre la plus réelle possible la vision que j’en avais. Un jour si j’ai le temps je visiterai peut-être ces endroits pour voir si je suis passée à côté de la réalité ou si j’en avais une bonne vision.

BBE :  Dans ce roman, malgré toutes les références à la culture du XIXe siècle, tu prends également le contrepied du positivisme qui a tant marqué les mentalités de l’époque en intégrant des éléments surnaturels de façon tout à fait triviale dans un décor quotidien. Je pense notamment à Ernest, le « souriceau » de 50 centimètres qui prend le thé et lit le journal, ou à la momie récalcitrante dont le sarcophage décore le salon de Wolfgang. Pourquoi avoir fait le choix d’une (ré)appropriation aussi immédiate et acceptée des mythes et du surnaturel ?
 
Estelle Valls de Gomis : C’est vrai qu’avec tout ça, on a tendance à se trouver davantage directement plongé dans du merveilleux que dans du fantastique pur...
Je pense que le XIXème siècle est devenu dans mon esprit une époque de fiction, un genre de décor idéal, et le fantastique littéraire foisonnant que créaient les auteurs qui vivaient à l’époque a carrément fusionné dans mon esprit avec l’époque elle-même, pour faire partie du quotidien des Gentlemen. Il fallait créer un monde réel qui n’était pas réel mais qui ait quand même la consistance du réel.

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